Dans deux arrêts récents rendus le même jour, soit le 3 mars 2015, la Chambre sociale de la Cour de cassation s’intéresse aux effets de la rupture conventionnelle sur une procédure disciplinaire engagée par l’employeur contre le salarié.
Dans cet arrêt (Soc. 3 mars 2015 n°13-23.348), la chambre sociale de la Cour de cassation affirme que « la signature par les parties d’une rupture conventionnelle ne constitue pas un acte interruptif de la prescription prévue par l’article L.1332-4 du code du travail ».
En l’espèce, par courriers du 7 et 16 septembre 2010, l’employeur avait reproché à son salarié des absences injustifiées. Environ un mois plus tard, les parties signaient un accord de rupture conventionnelle. Quelques jours après, le salarié a exercé son droit de rétractation au titre de l’article L.1237-13 du Code du travail. Le 16 novembre 2010, le salarié a été convoqué à un entretien préalable au licenciement. Le licenciement a finalement était prononcé le 6 décembre 2010 pour absence sans autorisation.
Condamné en appel pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison de la prescription des faits fautifs, l’employeur se pourvoit en cassation.
Ce dernier soutient que « la prescription pour engager des poursuites disciplinaires pouvant aller jusqu’au licenciement est interrompue par tout acte manifestant sans équivoque la volonté de l’employeur de tirer les conséquences des faits fautifs. »
Or, la Cour de cassation rejette le pourvoi de l’employeur.
Elle considère ainsi que la conclusion d’une rupture conventionnelle n’interrompt pas le délai de prescription des faits fautifs, fixés à deux mois par l’article L.1332-4 du Code du travail. En l’espèce, le délai n’ayant pas été interrompu, les faits fautifs étaient bien prescrits.
On peut en conclure de ce fait, que l’employeur n’aurait pas dû seulement « tirer les conséquences des faits fautifs » de son salarié mais directement sanctionner ce comportement fautif ; ou alors le salarié aurait dû admettre son comportement fautif.
Il est ainsi certain pour la Cour de cassation que la simple conclusion d’un accord de rupture conventionnelle ne constitue en rien une action de l’employeur en vue de sanctionner la faute de son salarié. En conséquence, cet accord ne pouvait interrompre la prescription pour engager des poursuites disciplinaires.
Dans le deuxième arrêt (soc. 3 mars 2015 n°13-15.551), la Cour de cassation juge que « la signature par les parties au contrat de travail d’une rupture conventionnelle, après l’engagement d’une procédure disciplinaire de licenciement, n’emporte pas renonciation par l’employeur de l’exercice de son pouvoir disciplinaire ».
En l’espèce, un salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement en raison d’injures grossières et réitérées à l’encontre d’un fournisseur de l’entreprise. Au cours de cet entretien, l’employeur et le salarié signe un accord de rupture conventionnelle. Là encore, le salarié use de son droit de rétractation quelques jours plus tard. L’employeur convoque donc une deuxième fois le salarié à un entretien préalable à un licenciement, qui aboutit, cette fois, à un licenciement pour faute grave.
Débouter par la Cour d’appel qui a considéré le licenciement justifié pour faute grave, le salarié se pourvoit en cassation.
Ce dernier soutient que « la rupture conventionnelle est un mode de rupture du contrat de travail autonome ; qu’en conséquence, l’employeur qui choisit, à la date où il a eu connaissance exacte et complète de faits imputables au salarié, de lui proposer une rupture conventionnelle de son contrat de travail, renonce, ce faisant, à engager à son encontre et pour ces mêmes faits des poursuites disciplinaires ».
La Cour de cassation rejette le pourvoi du salarié.
Ainsi, malgré la signature d’une rupture conventionnelle, l’employeur peut engager une procédure disciplinaire si le salarié a usé de son droit de rétractation au titre de l’article L.1237-13 du Code du travail.
L’employeur devra seulement respecter les conditions posées par l’article L.1332-4 du Code du travail et donc vérifier que les faits fautifs ne soient pas prescrits, en n’oubliant pas que la rupture conventionnelle n’est pas un acte interruptif de cette prescription.
Il ressort donc de ces deux arrêts qu’une rupture conventionnelle rétractée par le salarié ne produit aucun effet sur la mise en œuvre d’une procédure disciplinaire par l’employeur.