La jurisprudence concernant le harcèlement au travail (moral ou sexuel) est une jurisprudence vivante dont les différentes juridictions, et en particulier la Cour de cassation, affinent au fur et à mesure les contours.
Est ainsi ici dressé un panorama des plus récentes décisions de la Cour de cassation et de Cours d’appel en matière de harcèlement au travail.
Le salarié qui relate des agissements de harcèlement moral ne peut pas être licencié pour ce motif et ce, à peine de nullité. Mais pour pouvoir revendiquer le bénéfice de cette protection issue des dispositions du Code du travail encore faut-il, précise pour la première fois la Cour de cassation dans un arrêt du 13 septembre 2017, que le salarié ait expressément qualifié les faits de harcèlement moral lors de leur dénonciation.
En l’espèce, le 13 janvier 2011, un cadre de direction avait adressé un courriel à son employeur, l’avisant de son souhait de l’informer de vive voix du « traitement abject, déstabilisant et profondément injuste » qu’il estimait subir.
Non seulement le salarié n’avait pas été reçu, mais en outre, il était licencié pour faute grave le 22 février suivant, pour avoir procédé à un remboursement précipité d’avances qu’il s’était octroyées et pour avoir « essayé, pour détourner l’attention, de créer l’illusion d’une brimade » en proférant, par courriel du 13 janvier, des accusations diffamatoires et injustifiées, constitutives d’un abus de la liberté d’expression.
Le salarié a alors saisi la juridiction prud’homale sur le fondement de l’article L. 1152-3 du Code du travail, en vue d’obtenir l’annulation de ce licenciement fondé, selon lui, sur le fait d’avoir relaté des agissements de harcèlement moral.
Ainsi, alors que la Cour d’appel avait conclu à la nullité du licenciement au motif que le courriel de dénonciation visait implicitement des agissements de harcèlement moral, la Cour de cassation a censuré cette décision des juges du fond dans la mesure où le salarié n’avait pas dénoncé des faits qualifiés par lui d’agissements de harcèlement moral.
Les salariés qui s’estiment victimes de harcèlement (moral ou sexuel) devront donc veiller, dans l’acte de dénonciation, à utiliser cette qualification, sachant que si le harcèlement s’avère finalement non établi, le salarié ne pourra pas être sanctionné, sauf mauvaise foi démontrée par l’employeur (Cass. Soc., 13 septembre 2017, n°15-23.045).
Un fait unique est suffisant pour caractériser un harcèlement sexuel.
Ainsi, une salariée se plaignant de coups de soleils et à qui son employeur avait conseillé de « dormir avec lui dans sa chambre » « ce qui lui permettrait de lui faire du bien » établit un fait permettant de présumer l’existence d’un harcèlement sexuel (Cass. Soc., 17 mai 2017, n°15-19.300).
Un responsable des ressources humaines n’ayant pas pris les mesures permettant de mettre fin à une situation de harcèlement moral manque à ses obligations contractuelles et met en danger la santé physique et mentale des salariés, ce qui justifie son licenciement.
La Cour de cassation rappelle qu’un responsable des ressources humaines a une mission particulière en matière de management et doit veiller au climat social et aux bonnes conditions de travail de ses collaborateurs. Il ne peut donc cautionner, par son inaction, des méthodes managériales constitutives d’un harcèlement moral (Cass. Soc., 8 mars 2017, n°15-24.406).
Sont constitutifs de harcèlement moral les agissements répétés de l’employeur, financiers, relationnels et disciplinaires, qui, par leur intensité, portent atteinte aux droits et à la dignité du salarié et compromettent son avenir professionnel.
En l’espèce, après avoir fait l’objet de plusieurs avertissements qu’il conteste de la part de son employeur entre juin 2012 et janvier 2013, un conducteur PL prend acte de la rupture du contrat aux torts exclusifs de l’employeur le 1er mars 2013.
Dans sa lettre, il dénonce notamment : 1) l’absence de régularisation de sa situation de « grand routier marchandises », malgré plusieurs relances ; 2) la remise tardive de l’attestation de salaire à la suite de son accident du travail ; 3) le caractère répétitif des avertissements sur une brève période ainsi que le comportement ordurier de ce dernier à son égard.
Assimilant ces faits à du harcèlement moral, il sollicite notamment du juge la requalification de la prise d’acte en un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.
Si les premiers juges ne font pas droit à cette demande, tel n’est pas l’avis de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence pour qui les agissements répétés, financiers, disciplinaires et relationnels qui ont pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié, sont d’une telle intensité qu’ils portent atteinte à ses droits et à sa dignité et compromettent son avenir professionnel (CA Aix-en-Provence, 24 mars 2017, n°14/14386).
L’employeur formait alors un pourvoi en cassation.
Considérant qu’«il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée », la Cour de cassation estime que ce moyen du pourvoi n’est « manifestement pas de nature à entrainer la cassation » (Cass. Soc., 2 mars 2017, n°15-29.105).
La Cour de cassation rappelle que, pour caractériser l’infraction de harcèlement moral telle que prévue à l’article 222-33-2 du Code pénal, les faits doivent intervenir dans le cadre professionnel.
Pour caractériser l’infraction de harcèlement moral, les actes de harcèlement doivent notamment intervenir dans le cadre de la relation de travail. Ils peuvent ainsi être le fait d’un supérieur hiérarchique (Cass. Soc., 10 novembre 2009, n°07-45.321), de collègues de travail (Cass. Soc., 27 novembre 2013, n°12-21.057), de salariés subalternes (Cass. Crim., 6 décembre 2011, n°10-82.266), voire d’une personne qui exerce une autorité de fait sur les salariés (Cass. Soc., 1er mars 2011, n°09-69.616).
Dans la présente espèce, la plaignante, Docteur, exerçait son activité de manière indépendante et ne faisait que partager des locaux professionnels avec le docteur en médecine qu’elle accusait de harcèlement moral. Les faits ne s’inscrivant pas dans une relation de travail, l’infraction de harcèlement moral telle que prévue à l’article 222-33-2 du Code pénal ne pouvait être caractérisée (Cass. Crim., 13 décembre 2016, n°16-81.253).